Les envolées verbales du chef de l’opposition officielle du Canada Pierre Poilievre, ponctuées d’hyperboles et de demi-vérités, contribuent à appauvrir le débat public et à miner la confiance de la population envers les institutions démocratiques.
Poser des questions difficiles et exiger une reddition de compte des actions du gouvernement est dans le mandat du chef de l’opposition officielle. Formuler ses questions ou ses critiques de façon à retenir l’attention publique et médiatique sur un enjeu, comme l’inflation, la sécurité publique ou les finances publiques, est un atout. Pierre Poilievre va toutefois parfois plus loin et n’hésite pas à tomber dans la désinformation ou la sursimplification pour arriver à ses fins.
Le premier ministre Justin Trudeau a tardé à réagir aux révélations d’ingérence chinoise lors des élections générales de 2019 et de 2021. Il a aussi esquivé les questions sur le moment où il a été mis au courant de la situation. Plutôt que de mettre en place une enquête publique, demandée unanimement par les partis d’opposition, il a plutôt créé un poste de rapporteur spécial indépendant sur l’ingérence étrangère. Il a nommé l’ancien gouverneur général, David Johnston, à cette fonction.
Sur le fond, il est tout à fait normal que Pierre Poilievre talonne le gouvernement dans ce dossier. Il s’agit d’un enjeu qui met en cause la sécurité nationale et l’intégrité du processus démocratique. Le gouvernement doit rendre des comptes sur ses actions pour renforcer la protection de nos institutions contre toute ingérence étrangère.
Toutefois, les réactions du chef de l’opposition officielle dans ce dossier ne sont pas de la qualité de celles que l’on peut attendre d’un premier ministre potentiel.Sur Twitter, il n’y est pas allé de main morte pour discréditer la nomination de M. Johnston. Selon lui, « Justin Trudeau a nommé un “ami de la famille”, ancien voisin du chalet et membre de la fondation Trudeau financée par Pékin, pour être le rapporteur “indépendant” sur l’ingérence de Pékin » [traduction libre]. Rappelons que c’est l’ancien premier ministre conservateur, Stephen Harper, qui a nommé David Johnston au poste de gouverneur général en 2010.
Critiquer l’approche du gouvernement de faire appel aux services d’un rapporteur spécial plutôt que d’annoncer une enquête publique indépendante immédiatement est légitime. Ce qui l’est moins, c’est de tenter d’entacher la crédibilité d’une personnalité publique avec une feuille de route sans faute à des fins purement partisanes.
Plus problématique encore, en point de presse, Pierre Polievre a déclaré que Justin Trudeau « a encouragé l’ingérence étrangère parce que c’était son intérêt et l’intérêt de son parti ». Il n’y a aucune raison de croire que les libéraux aient joué un quelconque rôle pour encourager une puissance étrangère à interférer dans les élections. Ce type d’insinuation, sans fondement, ne peut que miner la confiance du public dans le processus électoral.
La gestion du dossier de l’ingérence chinoise n’est pas une anecdote dans le parcours de M. Poilievre, mais est plutôt illustrative de son approche politique.
Jusqu’à présent, Pierre Poilievre n’a pas fait la démonstration qu’il est prêt à occuper les fonctions de premier ministre. Jouer avec les faits, attaquer les médias et faire preuve de partisanerie à outrance en s’en prenant à la réputation d’autrui ne semble pas être la meilleure approche pour élargir sa base électorale. Au contraire, cela pourrait avoir des conséquences négatives à long terme sur le climat politique au Canada.